De la tragédie de Viry-châtillon à une réflexion plus large : comprendre le concept de crime d’honneur et son impact sur la société moderne

Le quartier de Viry-Châtillon a été le théâtre d'une tragédie épouvantable.

Une tragédie qui soulève des questions #

Un adolescent de 15 ans, Shemseddine, a été brutalement tabassé et laissé pour mort à la sortie de son collège. Quatre autres jeunes ont été arrêtés par la police et sont actuellement en examen pour assassinat.

Une déclaration du procureur d’Évry, Grégoire Dulin, a révélé que l’incident avait été déclenché par un différend impliquant la sœur de deux des accusés. Les deux frères, apprenant que leur sœur avait des échanges sur des sujets de sexualité avec des personnes de son âge, auraient voulu protéger la réputation de leur famille.

Le « crime d’honneur » : un concept étranger à la loi française #

Face à cette affaire, les médias ont vite parlé de « crime d’honneur ». Cependant, cette notion n’existe pas en droit français. Amnesty International précise d’ailleurs que, si la plupart des « crimes d’honneur » sont perpétrés dans les pays musulmans ou au sein des communautés d’immigrés musulmans, l’islam ne préconise pas la peine de mort pour inconduite liée à l’honneur et beaucoup de dirigeants islamiques condamnent cette pratique.

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Margot Déage, sociologue, souligne que le « crime d’honneur » n’est pas spécifique à une religion. Elle rappelle que dans de nombreux pays occidentaux, encore dans les années 70/80, le droit excusait au moins en partie les crimes d’honneur.

La notion de « réputation » : une problématique moderne #

La sociologue Margot Déage explique que le concept de « crime d’honneur » recoupe celui de « réputation ». Selon elle, la réputation est la synthèse des jugements d’un groupe sur une personne à un moment précis et dans un lieu donné. Ce jugement est souvent polarisé selon le genre. Les filles qui ont une mauvaise réputation transgressent généralement les normes sexistes.

D’un autre côté, l’honneur est lié à la « pureté » et donc aux mères et aux sœurs qui doivent être « respectables ». Ce sont les hommes qui sont chargés de défendre cet honneur. La notion de réputation entre en jeu lorsque l’honneur d’une fille est menacé, surtout si elle a un grand frère.

Les jeunes et le concept d’honneur #

Des insultes comme « fils de pute » ou « bâtard », qui attaquent la mère et la famille, peuvent générer des réactions particulièrement violentes chez les jeunes. Ces derniers réagissent souvent d’autant plus violemment qu’ils s’identifient uniquement à la famille, c’est le seul groupe auquel ils pensent qu’ils appartiennent.

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Les derniers rapports en 2023 et 2024 du Haut conseil à l’Égalité ont révélé une prévalence des modèles sexistes et masculinistes chez les jeunes. Les garçons doivent performer la virilité et toute transgression de ces normes peut générer des moqueries, du harcèlement, voire de la violence.

Le rôle des réseaux sociaux dans la gestion de la réputation et de l’honneur #

Les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la gestion de la réputation et de l’honneur. Ils permettent la diffusion rapide d’informations, de rumeurs et d’accusations, sans possibilité de contrôle. Une capture d’écran peut servir de « preuve » et donner l’impression que la violence est méritée.

Dans l’affaire Shemseddine, les grands frères avaient des antécédents avec la justice. Ils avaient donc potentiellement une réputation à tenir dans le quartier pour se faire respecter et donc un honneur de la famille à défendre.

Enfin, il faut rappeler qu’il est crucial de comprendre que les femmes n’appartiennent pas aux hommes. C’est une leçon que toute la société doit apprendre et appliquer.

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  • La violence n’est jamais justifiée
  • Chacun doit être respecté, quelle que soit son genre
  • Les femmes ne sont pas la propriété des hommes
  • La réputation ne doit pas définir une personne